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rugby

  • Le Rugby, ce jeu de plein air et de boue/ D'après Daniel Herrero

    Ce jeu de plein air et de boue

    Tu vois, ce sport à l'impact rude te fait du rugbyman un généreux au combat, un vaillant néandertalien, un compagnon, un fraternel d'une pratique maçonnique, un goulu des émotions dans l'affrontement collectif du champ passionnel.

    Le rugby, c’est le sens du courage et du partage, un jeu rudoyant, tu vois, les hommes se pressent, se compressent. Le boursoufflé de l'ego, il mange ! La métaphore belliciste est excessive mais y’a de la turbulence dans la gestuelle, ça inonde le périmètre, tu vois.

    Le rugby se robotise

    La classe c'est quand t'as dépassé la technique. Aujourd'hui, hélas, le joueur doit être dans la maîtrise, dans un processus de normalisation planétaire. Le public, au stade ou à la télé, il veut voir le ballon. On prend plus de risques, or la création est mère de prise de risque, ça passe ou ça casse. Que sont les Boniface, Jo Maso, Codorniou, devenus ? Tu vois, l’esthétique du rugby, c’est une hypothèse révolue dans l'aventure collective, aujourd'hui c'est la méthode, la précision. Mais ce jeu reste passionnant.

    Plus de gorgeons conviviaux

    Ce ne sont plus des épicuriens olympiques, les joueurs. Avant, y’avait la voracité de la 3ème mi-temps, faite d’agapes, de bacchanales, tu vois quand les gorgeons conviviaux libèrent la parole. Raconte-le à ton stylo ça : le gouleyant du gorgeon du 3ème temps de la rencontre…

    Coupe du Monde : une hypothèse de bonheur recevable

    Seuls les All-Blacks ont des signatures, ils n'ont pas un jeu innovant mais ce sont les seuls qui produisent du jeu, ils seront difficiles à battre.

    Les Anglais sont pas créatifs, les Australiens, les Sudafs sont gaillards, quant à nos coquelets, ils sont volontaires mais pas inventifs.

    Dans l’Ovalie de France, mansuétude oblige, y’a de la noblesse mais un manque d’allant dans la construction et pas assez de talent. Mais pour peu qu’ils oublient la rigueur et la trouille, qu’ils soient fécondés par l’inspiration, nos coquelets peuvent espérer vaincre, pourquoi pas. Une hypothèse de bonheur recevable, tu vois…

     

     

     

  • La photo manquée - Maripasoula

    À chaque voyage sa photo manquée, où que ce fût, quel qu’en fût le sujet, c’eût été la plus belle, la plus forte, la plus difficile aussi.

    Maripasoula, quelque part dans l’ouest guyanais, à la frontière du Surinam.

    11h, le fromager tristounet, à l’écorce de peau d’éléphant, m’abrite du soleil. Accroupi à son pied jonché de canettes Heineken, j’attends une place dans une pirogue. Chaleur.

    La voix d’un journaliste surgit d’un des quatre auto-radio du village:
    " Des millions de français sont devant leur écran bleu... La gueule des anglais " ... Et moi et moi et moi avachi sur les berges du Maroni qui ai préféré l’aventure à l’inéluctable défaite française.
    Une négresse Boni dissipe mon regret de ne pas voir le match : immergée jusqu’à mi-mollet dans le rouge-brun du courant paresseux, courbée à l'équerre - position orthodoxe de la lavandière du fleuve - elle s’offre mpudiquement en spectacle.

    Mon but : glisser jusqu’à Papaïchton-Pompidou, à une heure de pirogue de là. L’interminable attente passe inaperçue tant la langueur accable les gens occupés à ne rien faire et ralentit les gestes des seuls actifs, les piroguiers bushinengés ou brésiliens.

    Enfin une pirogue, partagée avec quatre métros. 800 F, “ esta bon “, rendez-vous avec le brésilien dans deux mi-temps de rugby. Je fonce chez Dédée, tenancière de l’épicerie-boui-boui : France-All-Blacks à Maripasoula... Malgré la déconfiture annoncée ça ne manque pas d’allure ! L’exaltation retombe quand on m’explique qu’on ne reçoit pas TF1 à Maripasoula.

    Déçu mais pas vaincu... je flâne dans les rues de terre pentues , je marche devant moi, libre, l’oeil passé au papier-verre, prompt à débusquer l’image.

    De retour à l’embarcadère à l’heure dite, personne, pas trace de métros ni de takari brésilien.
    L’attente à nouveau, à nouveau sans fin.

    J’observe le manège d’hommes chargés de packs de bières s’entassant dans leur frêle esquif.
    Un jeune Boni, boule à zéro et bec doré, m’invite à les rejoindre : c’est non à la pirogue ivre qui
    finit par s'ébranler au rythme des tambours : instant magique.

    Depuis un moment, intrigué par le va-et-vient des pirogues et les ablutions des indigènes, je m’oublie et le Maroni m’aspire dans son immuable et impétueux courant drainant la vie sur plus de 300 km jusqu’à Saint Laurent. Silence le monde.

    Plus de France-All-Blacks, que de l’Amazonie : l’Aloukou ou le Taki-Taki. Là-bas, dans la rue centrale, piste de latérite, une femme apparaît, elle semble handicapée, sa silhouette diaphane à la démarche gauche mais fine s’avance dans la trouée exubérante de la végétation.

    Très vite, je me rends compte qu’elle porte une jeune enfant.
    Zoom avant.
    Elle : si noire dans une robe trop noire qu’éclaboussent des lapis-lazuli largement cerclés d’or, un sourire radieux et de grands yeux éclatant d’un bonheur évident, simple comme la vie qui l’entoure.
    La fillette : je ne vois que sa robe, rouge vif tacheté de blanc sur le noir d’ébène de sa mère, ses nattes multicolores et sa dentition éblouissante.
    Toutes deux inondées de soleil, inondées de nature : les capter sur l’ocre rouge de la piste et sous
    le vert-bleu de la forêt : léger zoom arrière, Ektar 50 pour le concours PHOTO. Mais je n’ai pas shooté
    alors que tout y était...

    Le lendemain contre toute attente je me retrouverai à Elahé chez les Indiens Wayana à trois heures en amont de Maripasoula et j’apprendrai par l’homme qui le tient de l’homme qui connaît l’homme qui a écouté Radio France International que le monde de l’ovalie bleu-blanc-rouge, comme le drapeau de la gendarmerie fièrement dressé face au Surinam, avait triomphé du monstre Néo-Zélandais...
    Au diable le match ! Mon unique regret est de n’avoir pas shooté alors que tout y était...